Les métiers liés à la tannerie
Noémie Hu
D’après les données collectées, le métier de tanneur connaît d’abord un essor jusqu’au milieu des années 1880 avant de considérablement perdre en effectif.
La tannerie à Lausanne est un sujet intéressant car la ville a abrité une des principales tanneries suisse du 19e siècle, la tannerie Mercier.
Présence et pratique de la tannerie
Le travail du cuir est attesté à Lausanne depuis le Moyen-Âge central. Cette période est particulièrement fructueuse pour les tanneurs, leur métier étant prospère et leurs personnes considérées. L’actuel quartier du Rôtillon a été redessiné en 2010 pour refléter cette présence importante au bord du Flon, au coeur de la ville actuelle. C’est toujours au bord du Flon que s’installe la tannerie Mercier.
La tannerie de Mercier, Rue St-Martin avec vue sur l’Hôpital Cantonal, Photographie, 1889. https://museris.lausanne.ch/SGCM/Consultation.aspx?id=138652
La tannerie Mercier adossée à la colline de la Cité avant la construction du Pont Bessière (1908-1910) à gauche. Photographie, entre 1867 et 1873. https://museris.lausanne.ch/SGCM/Consultation.aspx?id=160218
En effet, les tanneurs au rouge (travail de peaux de gros bétail pour la cordonnerie et la sellerie, à distinguer des mégissiers et des chamoiseurs), dont faisaient partie les Mercier, avaient grand besoin d’eau. Ils procédaient de la manière suivante pour le travail du cuir: les peaux assouplies dans l’eau sont nettoyées de chair et graisse avec le couteau, signe distinctif de leur corporation. Après un bain de chaud ou de cendres, les poils sont retirés. Le tannage se fait avec des écorces de chêne (le tan) ou d’épicéa, dans des fosses où les peaux restent durant un à deux ans. Le cuir est ensuite égoutté, séché et corroyé.
Au 15e siècle, le régime corporatif imposa nombre de restrictions qui firent baisser le nombre d’entreprises dès la fin du siècle, bien que le secteur reste profitable. Le secteur souffrit au 17e et au 18e siècle dû à la pénurie des matières premières (tout devait être indigène).
Le 19e siècle connaît l’abolition des restrictions corporatives et la tannerie put enfin reprendre son essor. Les tanneries se basant sur les méthodes traditionnelles se voient écrasées par l’offre massive et diversifiée de cuirs provenant d’Amérique, de France, de Russie et d’Allemagne. Ces marchés étrangers ont su plus rapidement maîtriser les techniques de tannerie industrielle, développée dans les années 1830. La Suisse se rattrape dans les années 1870 et 1880, où se développe une industrie nationale. Cependant, nombre de tanneries traditionnelles et artisanales, dont faisait partie la tannerie Mercier, voient leurs portes se fermer avant 1905.
La tannerie Mercier
La famille Mercier est originaire de Millau (France), centre important de tannerie au Moyen Âge. Comme nombre de Huguenots (protestants de France), les frères Pierre, Jean et Antoine Mercier émigrèrent à Lausanne, dans le quartier industriel du Flon. Ils fondèrent la tannerie Mercier en 1740. Ils se firent rapidement connaître et la tannerie prospère. La famille Mercier accéda à la bourgeoisie de Lausanne en 1773, enracinant leur nom dans le territoire pour maintes générations.
Trois générations de Jean-Jacques Mercier succédèrent à la tannerie, apportant chacun plus de prospérité à la famille à travers leur engagement politique et économique. La famille Mercier se diversifie dans ses activités: commerce, finance. Jean-Jacques Mercier III (1826-1903) fut un entrepreneur particulièrement actif: Lausanne lui doit la création du funiculaire Lausanne-Ouchy en 1877 ainsi que du réseau d’eau sous pression depuis le lac de Brêt. Il se spécialise davantage dans la finance et est présent sur les marchés internationaux.
Plaque encadrée célébrant la médaille d’or de la tannerie Mercier en 1889. https://museris.lausanne.ch/SGCM/Consultation.aspx?id=195522
Son fils, Jean-Jacques Mercier IV, fut le dernier patron de l’entreprise. Il effectua un voyage pour une étude de marché au niveau mondial et constata que les affaires de son entreprise allaient considérablement décliner dû au protectionnisme américain et le développement des techniques de mégisserie dans les pays de l’Est. Il décida de cesser de produire en 1898. D’après l’analyse des données effectuées dans le cadre de ce projet, il est probable que le déclin de l’activité de la tannerie (corrélation avec le nombre de tanneurs à Lausanne vers les années 1890) ait incité le voyage de Jean-Jacques Mercier IV.
La famille Mercier resta active dans la vie politique, militaire et économique.
Références
Anne-Marie Dubler: "Tannerie", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 12.04.2012, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013972/2012-04-12/, consulté le 27.04.2022.
Mercier, P. (n.d.). DESCRIPTION AU NIVEAU DU FONDS. 364.
P Mercier Mercier (Tannerie), 1719-1997 (Fonds). (n.d.). Inventaires Des Archives Cantonales Vaudoises. Retrieved April 27, 2022, from https://davel.vd.ch/